D’ici quelques semaines, les conseils d’administrations des collèges et lycées publics vont devoir se prononcer sur les projets de budget présentés par les chefs d’établissement.
Depuis l’année dernière, cette procédure a été profondément modifiée afin d’introduire jusque dans les établissements, l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la fameuse LOLF. Comme à l’Éducation nationale (et ailleurs) on aime les acronymes, cette nouveauté a un sigle : la RCBC, réforme du cadre budgétaire et comptable. Préparée par le gouvernement de François Fillon, la RCBC a été mise en place sans retard par celui de Jean-Marc Ayrault.
De quoi s’agit-il ? Tout d’abord, la LOLF est la traduction dans le fonctionnement de l’État des principes ultra-libéraux qui ont inspiré le « new public management » ou nouvelle gestion publique, durant les années Thatcher-Reagan. Elle vise officiellement à « moderniser » la gestion des services de l’État, des administrations. En fait, en introduisant des critères et des modes de gestion similaires à ceux du secteur privé, elle met en place le désengagement de l’État au profit de ce dernier. Dans l’esprit de la nouvelle gestion publique l’état, la collectivité gardent le pilotage des services mais peuvent en confier la réalisation à divers organismes privé, publics, associatifs à leur convenance.
Au delà d’une modification technique, la RCBC provoque un recul démocratique dans un domaine où ceux qui ont siégé dans ces conseils d’administrations le croyait pourtant presque impossible. En effet, au nom de la déconcentration de la gestion, dans les établissements scolaires, on a diminué le contrôle effectif de la gestion du chef d’établissement par le conseil d’administration. Le chef d’établissement, à la fois représentant de l’État et président du Conseil d’administration, dispose en effet maintenant d’une grande latitude de gestion au sein d’un budget qui n’est voté que sur quelques grandes lignes, les détails n’étant là que pour information… quand ils sont là.
Nommé, évalué, promu, muté, récompensé par l’autorité académique, le chef d’établissement impose, de fait, les choix de l’administration à un conseil d’administration quasiment dépourvu de pouvoir de décision. D’ailleurs, si le budget voté déplaît à l’administration ou à la collectivité de rattachement, ils peuvent le « régler conjointement » et s’ils n’arrivent pas à s’entendre, c’est le Préfet qui décide. Alors qu’on parle de renforcement de l’autonomie des établissements, c’est clairement l’augmentation des pouvoirs des chefs d’établissement qui est mise en place au détriment du conseil d’administration, qui compte ⅔ d’élus, représentant le personnel et les usagers, parents et élèves.
Comme une entreprise, l’établissement est appelé à faire des bénéfices (appelé capacité d’autofinancement !) , dégager un fonds de roulement, faire des provisions pour risques ou pour amortissements… Les outils de gestion d’une privatisation partielle de certaines activités sont maintenant mis en place, comme sont mises en place les moyens de la mise en concurrence des établissements. Le chef d’établissement est appelé à faire toujours plus avec moins de moyens, à développer des options « attractives » pour améliorer le recrutement de son établissement... au détriment du voisin.
Cerise sur le gâteau, un état des emplois est annexé au budget de l’établissement, ce qui est pourtant parfaitement inutile puisque la quasi-totalité du personnel est payé par l’État ou la collectivité de rattachement. L’intention, à terme de transférer la masse salariale aux établissements, qui a conduit nombre d’universités à une situation dramatique est une évidence.
En laissant le proviseur ou le principal simultanément en situation de président du conseil d’administration et de responsable de l’exécutif de l’établissement, la réforme n’a pas encore atteint sa pleine cohérence. Gageons qu’au gré des luttes d’influences, des alternances politiques, on en a pas fini avec ces réformes de structure qui sont tout sauf idéologiquement neutres.